J'ai un chihuahua depuis presque deux ans, et pendant tout ce temps, il y a une chose que je me suis refusée à faire : ramasser.
Pas besoin de précisions, même l'idée que le sac fasse à peine barrière entre mes doigts et le petit boudin me répugnait.
Hier, alors que je descendais tranquillement jusqu'à la rue et qu'au sortir de l'ascenseur j'étais complètement plongée dans mes pensées, je me suis fait hameçonner par un policier.
Le genre flamand, qui parle français, la dégaine assurée comme s'il était le roi du coin.
Il me regarde, moi je rentre presque dans son physique, et, alors que je freine des quatre fers pour ne pas lui bourrer dans la brioche, il me lance un bonjour un peu trop appuyé pour que ça soit de la drague.
Boudieu, qu'est-ce qu'il me veut celui-là ?
Il enchaîne :"Vous avez un sac ?... Pour le chien. Vous avez un sac ?".
Non contente d'avoir fait un tour sur la lune tellement j'étais plongée dans mes pensées abracadabrantes (style moi à dos de poney rose), je lui sors un peu offusquée : "Comment ça, un sac ? Il peut pas se balader comme TOUS les autres chiens mon chihuahua ? je comprends qu'il soit petit mais il a aussi droit à sa liberté, QUE DIANTRE, JADIS, NAGUERE, ET..ET.. SAPERLIPOPUTE !".
Le flamand a pas l'air content, je m'emporte encore un peu, j'en rajoute et étale la confiture à outrance histoire de bieeeeen montrer que malgré sa race, mon chien envoie du pâté.
Puis je comprend, je percute, en plein dans le mur.
Il répète : "NON MADAME, un sac !".
Dans ma tête je hurle "ça va ho, je viens de piger !"
Tilt en haut du cerveau, le franc tombe jusqu'à mes pieds et je fourmille de honte.
Je m'excuse profondément quitte à m'enterrer sous les pavés, et lui dis que je vais chercher ça tout de suite.
Lui m'assène un dernier coup de massue histoire de se faire plaisir : "Et prenez-en trois, c'est le minimum obligatoire, sinon c'est la prune".
Là j'ai envie de lui envoyer que mon chien fait des saucisses de la taille d'un carambar et qu'avec trois sacs j'en ai pour un an à tout remplir.
Puis je me dis que j'ai assez fait la guignol comme ça, et qu'il faut VRAIMENT que j'aille me cacher cinq minutes chez moi (genre, entre le frigo et l'armoire à biscuits).
Petit signe de tête pour la politesse, je remonte à l'appartement en traînant des basques.
Le temps que j'aille chercher le pendouilloir en forme d'os "distributeur de sachounet pour petit clebard", la vieille du dessous a eu le temps de faire descendre l'ascenseur à son étage.
Depuis deux semaines, elle joue à le ramener à son palier à chaque fois que je le prends.
Elle m'espionne comme un vieux rat et quand je rentre elle reste dans l'encadrement de sa porte pour écouter tout ce qui se dit.
Une teigne.
Bref, je suis retournée en rue avec mes cinquante sachets, avec l'impression que tout le monde se disait "ça y est, aujourd'hui, elle va le faire, elle va ramasser".
Sauf que non.
Mon chien fait bien le boulot tout seul, en fait : une fois qu'il a fini, il gratte la terre comme un forcené et envoie tout valdinguer à plusieurs mètres.
J'ai un chihuahua qui a le souci du rangement, et je me vois mal essayer d'attraper ses crottes au vol.
Je pense que lui et moi on pourrait battre le record du duo femme-chien le plus comique en rue.
J'assume même si c'est pas drôle.