J'ai fait 5 ans d'orthodontie pour qu'on me fasse belle, des plaquettes sur les dents, un rail brillant au soleil.
J'ai subi pleins d'opérations pour arriver au résultat d'aujourd'hui.
J'ai encore deux fils dentaires pour tenir mes dents par derrière, pour que tout reste comme le jour où mon ortho m'a dit "voilà, maintenant, c'est parfait".
Des clinches m'ont prise à chaque reprise en "urgence", deux fois cette semaine, parce que le fil se décollait sur les dents extérieures.
J'en ai marre, ça vient de se redécoller, je zieute ma canine comme si elle allait partir à pieds.
J'ai toujours peur de me retrouver avec les dents en ciseaux, qu'au réveil j'aie un problème de symétrie.
Je me stresse pour un rien, parce que j'ai mis tellement dans ce chemin que je veux plus qu'il y ait un truc ou un machin qui bouge.
Ça peut faire rigide sur les bords, mais je peux pas me permettre, à 24 ans, d'avoir encore à me soucier de ça.
Je veux plus les voir les blouses blanches, je veux plus qu'on me mette des doigts dans la bouche, que je doive répéter à chaque fois tout le traitement que j'ai eu pour qu'ils comprennent pourquoi j'ai trois implants, une mâchoire avancée, et des plaques dans la chair.
Je suis pas du genre à vouloir ressasser ça un après-midi chaque mois.
Et là en une semaine, alors que j'ai des examens à étudier, j'ai encore un pied qui traîne sur la case "dentiste", sans pouvoir s'en détacher.
J'y crois plus, j'y crois pas.
Je devrais peut-être être moins perfectionniste, moins attachée à ce que tout soit toujours comme du papier à musique, accepter, parfois, qu'il y ait un épi qui dépasse.
J'y arrive pas en fait.
Parce qu'on m'a élevée comme ça, que je suis du genre à espérer que tout tourne rond, rond, que ça roule.
Mais tu vois, ce soir, j'ai les boules.
Vraiment, puis j'ai mal aux dents.